© Alban Scolan/Lazare

Naviguer, un verbe conjugué à l’impératif chez VPLP Design

Ils ont suivi la filière fédérale dans leur jeunesse, fait de la course au large, sont moniteurs de voile, ministes occasionnels, adeptes du wing foil ou tout simplement plaisanciers… la grande majorité des salariés de VPLP Design sont non seulement passionnés de voile, mais également pratiquants. Certains se font même un devoir de se confronter à la réalité, impératif d’une architecture navale performante, que ce soit sur des bateaux de course ou de croisière.

« J’ai passé environ 30 jours en mer depuis le début de l’année, la plupart en course. Ce n’est pas de tout repos, car il faut continuer à suivre les différents dossiers le soir à terre, mais c’est une expérience irremplaçable« , résume Quentin Lucet, architecte associé de VPLP Design, de retour en juin de la Loro Piana Giraglia, mythique épreuve méditerranéenne, dont il a couru les manches inshore à bord de Spirit of Lorina, Maxi de 65 pieds, deuxième au général dans sa catégorie. C’est la quatrième saison sur ce circuit de l’architecte, qui ajoute : « Ces Maxis sont passionnants, les régates de haut niveau avec des gros calibres à bord et de nombreux pros rompus aux problématiques très spécifiques de ces bateaux sur lesquels on peut, par exemple, changer trois fois de voiles d’avant dans un range de vent de 10 nœuds. »
 
Une culture de la régate assez éloignée de la course au large en solitaire, domaine dans lequel VPLP Design a forgé sa réputation et une grande partie de sa clientèle pour ce qui est de la voile de compétition, mais qui n’interdit pas les passerelles, bien au contraire. « Nous avons développé des compétences, notamment en analyse de performances ou sur le plan technique, que l’on transpose sur ces Maxispoursuit Quentin Lucet. J’ai par exemple aidé à la mise au point d’un système de ballasts sur Spirit of Lorina qui permet de transférer 1,4 tonne d’eau d’un bord à l’autre en 8 secondes. Ce genre de système ne s’improvise pas et le fait qu’on utilise des ballasts depuis plus de 20 ans sur les bateaux offshore en Bretagne, notamment sur les Imoca, permet d’apporter une sensibilité sur leur utilisation. »

Si tous les collaborateurs ne sont pas aussi impliqués sur un circuit, chaque nouvelle évolution des plans VPLP est l’occasion de naviguer pour des sorties d’essai, et cela concerne aussi bien les bateaux de course que de plaisance. « Nous sommes régulièrement sollicités par les teams, confirme Xavier Guisnel, architecte associé de retour de navigations ébouriffantes sur l’Ultim Banque Populaire XI d’Armel Le Cléac’h, en compagnie de Paul Kerdraon, ingénieur performance et designer d’appendices, et de Nicolas Baral, ingénieur structure. Si le nombre de données théoriques ne cesse de croître, certaines sensations ne sont pas reproductibles sur les simulateurs. Lors de ces navigations, nous procédons à de nombreux enregistrements et passons beaucoup de temps à observer les appendices à travers les filets. C’est un ré-alignement humide entre la théorie et la réalité. »
 
Au sein du pôle plaisance, les équipes de VPLP Design naviguent aussi régulièrement sur les bateaux qu’elles dessinent. En plus des essais contractuels, souvent trop courts pour vraiment “sentir” le bateau, les architectes et designers participent à des convoyages, notamment en amont des salons nautiques. C’est régulièrement le cas sur les Lagoon ou sur les Outremer, comme récemment pour accompagner un modèle présenté à Cannes. Responsable du pôle, Mathias Maurios se souvient avoir traversé l’Atlantique en 2003 à bord du premier bateau qu’il a dessiné chez VPLP, le catamaran Coriolan VI, mais également avoir navigué aux Antilles et entre Antibes et Venise sur Hémisphère, catamaran de 145 pieds sur lequel David Mensch a quant à lui effectué une transat.
 
« Cela me paraît presque impossible de dessiner des bateaux sans les vivreexplique Mathias Maurios. Ça veut dire dormir à bord, faire la cuisine, hisser les voiles, mouiller, se baigner, s’imprégner de l’ergonomie extérieure et intérieure, de l’usage tout simplement. Cela permet de nourrir des réflexions pour les projets suivants. »
 
Ces retours d’expériences comptent aussi beaucoup pour l’architecte du pôle course, Antoine Lauriot Prévost« Naviguer permet de rester connecté à l’écosystème, de rencontrer les skippers dans un cadre moins formel que lors des réunions ou visios avec les teams, explique celui qui compte 12 000 milles de navigation en Imoca (Hugo BossTeamWork-Team Snef…) et a disputé en juin l’Act 1 des Ocean Fifty Series à Saint-Malo à bord de Lazare (photo ci-dessus). Dans l’action, on parle le même langage. Tous les skippers n’ont pas une formation d’ingénieur, mais ils ont un excellent ressenti. C’est à nous d’accéder aux mêmes sensations pour comprendre ce qu’ils racontent. »

Cet impératif est aussi dicté, selon Quentin Lucet, par l’évolution de la course au large qui vit « une vraie rupture technologique depuis dix ans avec le vol. Vitesse de décollage, passage dans la mer, gestion des équilibres et de l’assiette, les cartes sont sans cesse rebattues et il faut être sur l’eau pour suivre ! » Cette nécessité d’être “à la page” ou tout simplement de prendre du plaisir sur l’eau explique qu’ils sont nombreux à l’agence, à pratiquer le vol en voile légère, notamment le wing foil
 
Une collaboration a d’ailleurs vu le jour avec le fabricant de supports à foil, F-One, qui fournit du matériel à VPLP Design en échange de calculs en CFD sur des foils. « C’est un échange de bons procédés qui profite à tout le monde, le garage à jouets se remplit et le retour de sensations est immédiat ! » se félicite Xavier Guisnel.
 
Nombreux sont également ceux qui, au sein de l’agence, naviguent en croisière. « Nous sommes plusieurs à avoir notre propre bateau ou à en louerconfirme Mathias Maurios. Guillaume Rey, par exemple, a loué pendant plusieurs années des Lagoon, c’est sans doute celui qui a le plus navigué sur ces bateaux ! » De quoi avoir les idées bien claires au moment de dessiner les futurs catamarans de la gamme.