Représentés dans trois des quatre classes par des tandems accrocheurs et inspirés, les plans VPLP ont été à la fête sur la 17e édition de la Transat Café L’Or, avec les victoires de SVR Lazartigue et Viabilis Océans en Ultim et Ocean Fifty, ainsi que la deuxième place de 11th Hour Racing en Imoca. Présents à l’arrivée à Fort-de-France, Antoine Lauriot Prévost et Xavier Guilbaud, architectes navals associés, en tirent les enseignements.

Ultim : la course parfaite de SVR Lazartigue

Après deux places de deuxième sur les deux éditions précédentes de la transat en double, SVR Lazartigue a empoché la victoire attendue depuis son lancement, en 2021. « Tom (Laperche) et Franck (Cammas) étaient favoris, mais ça reste une transat sur des bateaux technologiquement très pointus avec tous les aléas que cela comporte, on l’a bien vu notamment avec l’avarie de Banque Populaire XI » , note Antoine Lauriot Prévost. « L’arrêt prématuré d’Armel (Le Cléac’h) et Seb (Sébastien Josse) à Lorient [avarie de safran, ils repartiront pour terminer quatrièmes en Martinique, NDLR] nous laisse forcément quelques regrets car le duel avec SVR Lazartigue aurait permis de mesurer en réel le bénéfice des nouveaux foils de Banque Populaire XI » , ajoute d’ailleurs Xavier Guilbaud.
Reste que Tom Laperche et Franck Cammas ont réalisé « la course parfaite » aux dires des deux architectes, en prenant d’entrée les commandes, puis en résistant aux assauts de Sodebo Ultim 3, qui, à l’image des autres Ultim, a nettement progressé, preuve que toute la classe se tire vers le haut. C’est dans la descente de l’Atlantique que SVR Lazartigue a su capitaliser sur son avantage au près, avant de se montrer très solide au portant, jusqu’ici son léger talon d’Achille. « C’est une allure où l’équipe a beaucoup progressé, notamment grâce aux tentatives avortées sur le Trophée Jules Verne l’hiver dernier, qui auront eu ce mérite », commente Xavier Guilbaud. Et ce dernier d’ajouter : « Le débrief à Fort-de-France laisse à penser que Tom et Franck en avaient encore sous la pédale, ils ont réalisé une transat en contrôle et le bateau est arrivé dans un état impeccable aux Antilles. »
De quoi se projeter sur la suite avec confiance, qui passera pour SVR Lazartigue par de nouveaux foils la saison prochaine, réalisés chez CDK Technologies, mais également d’une nouvelle paire de safrans de flotteurs. « Dans le brief initial, SVR Lazartigue avait poussé très loin la performance au près et reaching, avec des foils dont la finesse et l’allongement procuraient beaucoup de lift pour une traînée minimale. Aujourd’hui, ils recherchent plus de polyvalence, poursuit Xavier Guilbaud. Très typé portant au démarrage, Banque Populaire XI a fait un peu le chemin inverse et c’est frappant de voir comment, finalement, les cahiers des charges des deux équipes convergent en vue de la Route du Rhum l’an prochain. » Ce qui rend cette perspective d’autant plus alléchante !

Imoca : des bateaux dans le coup
et des tandems inspirés

Très engagée physiquement et sportivement, la course des Imoca s’est soldée par un bilan là encore positif pour les plans VPLP. 11th Hour Racing, mené par Francesca Clapcich et Will Harris, a pris une très belle deuxième place, alors que sur l’ex Charal de 2018, devenu TeamWork-Team Snef, Justine Mettraux et Xavier Macaire ont terminé cinquièmes. Lancé en juillet dernier, Les Ptits Doudous d’Armel Tripon et Tanguy Leglatin, malgré quelques logiques soucis de jeunesse et un arrêt à Cascais, a rempli sa mission première, traverser l’Atlantique, pour finir 12e à Fort-de-France.
« Sur le plan comptable, c’est une belle copie pour VPLP et sur le plan humain, c’est réjouissant » , commente Antoine Lauriot Prévost, particulièrement satisfait de la deuxième place de l’ex Malizia, mis à l’eau en 2022. « On connaissait le potentiel du bateau et le talent du binôme, mais Francesca n’a découvert le bateau que cette année et terminer devant Macif Santé Prévoyance est une très belle performance. L’alizé était très instable et dès qu’il dépassait 20 nœuds, Francesca et Will avaient l’avantage. Un range de vent, où, à l’inverse, TeamWork-Team Snef se retrouvait en butée par rapport aux plans de génération 2022-2025. »
Conçu, à la demande de son précédent skipper Boris Herrmann, pour être robuste et performant au portant fort dans la brise et la grosse mer, 11th Hour Racing a confirmé au passage des Canaries qu’il était également très à l’aise dans les petits airs. Ce qui fait dire à Antoine Lauriot Prévost : « L’écart de masse s’est lissé avec les autres Imoca qui ont été notoirement renforcés après leur mise à l’eau en 2022. C’est très encourageant, notamment pour Les P’tits Doudous, qui a la même carène avec un déplacement inférieur, un centre de gravité plus bas et des foils de dernière génération, donc plus de moment de redressement. Ce sera un concurrent à surveiller de près sur la prochaine Route du Rhum. »

Ocean Fifty : des émotions et un doublé

La Transat Café L’or avait bien mal commencé pour les Ocean Fifty, partis 24 heures avant le reste de la flotte, avec trois chavirages la première nuit pour Lazare x Hellio, Koesio (tous les deux des plans VPLP) et Inter Invest, qui n’ont heureusement engendré que des conséquences matérielles. « Après la grosse frayeur, nous avons été très vite rassurés par l’efficacité des sauvetages. Désormais, les bateaux sont en voie de remise en état, ce qui est une bonne chose pour les skippers et la classe », note Antoine Lauriot Prévost.
Si ce dernier tient à mettre de côté celui de Lazare x Hellio, consécutif à la casse d’un flotteur, probablement suite à une collision, les deux autres chavirages ont donné lieu à un débriefing précis avec les équipes, qui fait dire à l’architecte : « Les conditions en Manche semblaient très instables en force et en direction, ce qui a provoqué les deux chavirages suite à de violentes rafales. Lorsque tu passes de 20 nœuds au près à 35 nœuds à 90 degrés du vent, ça change tout sur un multicoque et le risque de chavirage sera toujours présent. »
N’est-il pas amplifié par les bâches aéro, destinées à diminuer la traînée aérodynamique des bateaux ? « Leur rôle est très difficile à quantifier, répond Antoine Lauriot Prévost, qui va évoquer ces sujets avec le comité technique de la classe Ocean Fifty dans les prochaines semaines. Sur ces bateaux légers, elles diminuent forcément l’angle critique où ils perdent leur capacité de redressement, mais d’autres Ocean Fifty ont chaviré sans bâches aéro. La morale de l’histoire, c’est qu’il faut faire en sorte de ne pas se retrouver à ces angles de gîte-là. »
Reste que la suite de la course a été aussi intense que passionnante, avec une tête de flotte compacte et les quatre premiers en moins de 45 minutes sur la ligne d’arrivée à Fort-de-France ! Et une grande satisfaction pour VPLP, qui truste les deux premières places avec Viabilis Océans (Baptiste Hulin/Thomas Rouxel), qui avait pourtant fait une courte escale technique en début de course à L’Aber Wrac’h, devant Wewise (Pierre Quiroga/Gaston Morvan), deux trimarans respectivement mis à l’eau en 2017 et 2018. « C’est la grande force de cette jauge que de maintenir compétitifs des bateaux plus anciens. Par rapport à d’autres classes, c’est un bon signal et une belle récompense pour Baptiste et Thomas, qui avaient misé toute leur saison sur cette transat. » Et ont su exploiter le côté 4×4 d’un Ocean Fifty qui a confirmé qu’il était particulièrement à l’aise dans la brise et la mer formée.