VPLP nouvelle ère course au large
© Jean-Marie Liot/Alea/Macif

VPLP Design : « Nous sommes entrés dans une nouvelle ère de la course au large »

Hiver après hiver, les records autour du monde tombent comme des mouches. En janvier, Francis Joyon et son équipage d’Idec Sport battaient le record du Trophée Jules Verne de Loïck Peyron et Banque Populaire V ; dimanche, c’était François Gabart qui pulvérisait, à la barre de Macif, le chrono en solitaire établi moins d’un an auparavant par Thomas Coville sur Sodebo. Quatre performances historiques, quatre trimarans, quatre plans dessinés par VPLP Design. Vincent Lauriot-Prévost et Xavier Guilbaud, en charge des projets de multicoques ultimes au sein du cabinet, reviennent sur l’exploit du skipper de Macif, qui a tourné autour de la planète en 42 jours et 16 heures.

 

La performance réalisée par François Gabart est-elle une surprise pour les architectes de son multicoque ?

Xavier Guilbaud : Déjà, on est super contents : le record de François et de Macif valide nos propositions ! On sent bien qu’on est entrés dans une nouvelle ère, avec de nouveaux modes de navigation et des records qui vont tomber. La performance du bateau, dans l’absolu, n’est pas surprenante par rapport à son potentiel sur le papier, même si on s’attendait plus à un record en 45-46 jours plutôt que 42. Là où François nous a bluffés, c’est dans sa capacité à tenir ce rythme, cette intensité et ces vitesses aussi longtemps.

Vincent Lauriot-Prévost : Les vitesses qu’il a été capable d’atteindre ne sont pas démesurées par rapport au potentiel du bateau, mais c’est la manière dont il a été mené qui est marquante : François a suivi des polaires d’équipage plus que de solitaire ! Son équipe a d’ailleurs modifié ses polaires en cours de route, car il a réalisé des perfs qu’il n’avait jamais atteintes jusque-là.

 

Comment cela s’explique-t-il ?

VLP : On a sans doute un peu trop dégradé la polaire qu’on avait calculée initialement, en sous-estimant la capacité du skipper à appuyer sur le bateau. Nos prédictions de vitesse sont calculées sur mer plate, et je pense qu’on a été un peu pessimistes sur la capacité du bateau à passer dans la mer avec ses foils actuels. On savait déjà, depuis les Orma, qu’ils amortissaient pas mal la mer, mais avec les plans porteurs sur les safrans, c’est encore plus criant.

XG : En fait, le flotteur de Macif vole déjà, mais la coque centrale conserve 10 à 15% de déplacement, jouant un rôle de régulateur qui permet de stabiliser le bateau et d’atteindre ces vitesses aussi longtemps. Quand il bat le record des 24 heures à 35 nœuds de moyenne (851 milles parcourus), cela signifie qu’il navigue tout le temps entre 36 et 40 nœuds…

 

Macif ne vole pas complètement donc…

VLP : Disons que c’est un mode intermédiaire – hybride -, entre déplacement et vol. Quand nous avons conçu Macif, en 2013, nous nous sommes dit que si on faisait voler le flotteur grâce au foil et qu’on gardait un appui sur la coque centrale, avec en plus des élévateurs sur les safrans qui compensent le tangage, ce sera déjà un bon pas en avant, en tout cas une base de départ rapidement opérationnelle. A cette époque, on est juste après la première Coupe de l’America avec des catas qui volent ; on ne sait pas faire des grand foils qui permettent de naviguer très haut sur l’eau au large. Alors on reste conservateurs avec des foils dotés d’une corde importante et d’un petit tip.

XG : C’était le bon scenario ! Un bateau simple et léger, que François, qui n’avait pas l’expérience des grands trimarans, pourrait exploiter au maximum. Pourquoi construire tout de suite un Ultime sophistiqué alors qu’il n’y avait pas de concurrence ? Aujourd’hui, il a emmagasiné une énorme expérience, avec beaucoup de données enregistrées par les capteurs, on va pouvoir passer à la vitesse supérieure.

 

Quels enseignements pouvez-vous déjà tirer de ce record ?

VLP : On attend un vrai debriefing, mais on a déjà renforcé quelques convictions. D’abord que la légèreté, pour laquelle on a toujours plaidé chez VPLP, paye. Ensuite qu’on a bien fait d’investir dans la protection : même avec sa zone de vie protégée François arrive cramé, qu’est-ce que cela aurait été sans ! Les mouvements à 40-45 nœuds ont l’air très violents, les skippers vont devoir s’adapter.

XG : Et on sait maintenant que la plateforme est validée, François l’a bien matraquée dans le Sud !

 

Quelle est la prochaine étape de développement pour Macif ?

XG : L’équipe va mener un gros chantier d’hiver, puisqu’on passe à la V2 des appendices : des foils plus performants, qui vont clairement pousser plus et plus tôt, de nouveaux safrans relevables, plus profonds, avec des élévateurs mobiles.

VLP : Le rêve de tous, c’est un tour du monde « coque sèche ». Ce n’est pas encore possible, mais on doit pouvoir augmenter le temps de vol de manière conséquente.

 

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